3.La Forêt de Bambou

Une légende raconte que cette grande forêt de bambou qui longe les montagnes allant jusqu’à Yasuki Yashiki a poussé en une seule nuit. Les autochtones attribuent ce miracle à un puissant sorcier qui aurait conjuré ce bois pour y emprisonner un dangereux Oni.

Il est dit qu’il y a de nombreux siècles un démon frappa la région de ses malheurs. Ceux qui le traquaient revenaient bredouilles ou ne revenaient pas du tout. Les archives de la famille Kuni font état d’une période de crise dans la région due à la mort de nombreuses bêtes et à la disparition de paysans dans les alentours. Les doyens des fermiers demandèrent aux autorités de faire quelque chose. Il fut ainsi décidé l’envoi d’une troupe nombreuse qui devrait passer la province au peigne fin. On ne retrouva jamais la moindre trace de ces hommes et les disparitions continuèrent. Deux mois plus tard, des émeutes eurent lieu dans la cité lorsque trois enfants furent découverts la tête arrachée. Un jour, un shugenja anonyme arriva à Sunda Mizu Mura et se rendit auprès du magistrat de la cité. Après s’être renseigné sur les méfaits du démon, il quitta la ville pour se diriger vers un petit bosquet de bambou proche et y installa son campement. Toute la nuit des hurlements retentirent et le lendemain une immense forêt de bambous s’étendait des abords de la cité jusqu’à perte de vue. On raconte que ne pouvant le détruire, le shugenja enferma le démon dans une prison de bambou. Depuis, durant les nuits de pleine lune, des hurlements se font entendre dans la forêt et plusieurs voyageurs tardifs affirment avoir aperçu deux silhouettes se poursuivre parmi les arbres. La majorité des habitants de la ville considèrent ce conte comme véridique et il se trouve qu’il est très proche de la réalité. Le fantôme du shugenja anonyme et l’Oni continuent à se combattre parmi les bambous qui constituent une prison dont le démon ne peut s’échapper.
Cependant, les deux esprits ne s’occupent aucunement de ce qui se passe alentour et certains ont fini par mettre cette situation à profit.
Des sorcières pratiquant la magie du sang utilisent ainsi la légende, qui maintient les gens à l’écart, pour couvrir leurs méfaits et procéder aux rituels les plus spectaculaires de leur sinistre savoir sans qu’on les dérange.


Même durant la journée, peu de gens acceptent de pénétrer sous les frondaisons et les voyageurs qui vont de Sunda Mizu Mura à Yasuki Yashiki gardent toujours à l’oeil la muraille végétale proche de la route. Cependant, on ne peut se permettre d’ignorer totalement cette ressource abondante et des groupes de bucherons s’affairent aux abords les moins denses du bois mystérieux. Ils prennent garde à quitter les parages dès que le soleil commence à rougeoyer en fin d’après-midi. Le plus souvent, ils refusent même de se rendre sur place quand le ciel est trop couvert. L’exploitation réduite de cette forêt de belle apparence est également limitée par la crainte qu’en détruisant trop d’arbres, les humains finissent par libérer un démon que leurs ancêtres ne purent arrêter...


Après plusieurs siècles durant lesquels des guerriers Hida, des shugenja Kuni ou des Tsukai-sagasu ont tenté d’explorer le coeur de cette forêt sans en revenir, on a fini par la laisser tranquille. Les experts de l’Outremonde ont pu cependant établir avec certitude que les bambous sont totalement vierges de toute Souillure. Plusieurs petites stèles consacrées ont été dressées en bordure du bois et un petit monastère a été bâti en terrain découvert, à quelques dizaines de mètres à peine de l’orée. La petite congrégation prétend qu’elle n’a jamais été inquiétée. A part quelques infortunés gravement malades ou qui ont peur d’avoir attrapé la Souillure, il n’y a guère de monde pour leur rendre visite malgré la proximité de la route. On héberge là ces malheureux le temps d’être fixés sur leur possible contamination et le cas échéant, les moines préviennent les autorités.