La Cité des Opportunitées

existe des endroits à la réputation bien plus sulfureuse que celle de Sunda Mizu Mura. La Cité des Mensonges, par exemple, jouit depuis longtemps d’une aura aussi fascinante que dangereuse. Mais tous ceux qui ont parcouru les rues du Village de l’Eau Pure disent qu’il n’y a pas d’endroit plus dévoyé dans tout l’empire. Bien que la cité compte non pas un mais deux quartiers réservés, ce qui en soi est déjà assez remarquable, elle abonde aussi en établissements assez douteux, disséminés sur les deux rives. Prêteurs sur gages rapaces, tavernes aux arrières salles abritant des jeux d’argent et salons de thé qui tiennent davantage de la maison
close abondent. Les plus misérables établissements des quartiers réservés sont moins pathétiques que ces
bouges infâmes, mais ceux-ci offrent deux avantages à leur clientèle : personne ne fait attention aux gens assez misérables pour les fréquenter et les médiocres prestations sont bon marché. Ainsi, une véritable sous-culture
nocturne, à peine pourvue d’un semblant de manières qui ne trompe personne, s’est développée de manière endémique dans la cité. Les nuits sont toujours plus animées dans les rues de Sunda Mizu Mura que n’importe où ailleurs dans l’Empire. Malheureusement, la prostitution, la violence, l’alcoolisme font aussi des ravages.

L’opportunisme légendaire des Yasuki, ainsi que cette ambiance fiévreuse et les flots d’argent qu’elle fait circuler, ont incité depuis des siècles des individus plus ou moins recommandables à venir à Sunda Mizu Mura. Certains prétendent même que les contrebandiers ou les criminels que l’on arrête sont rarement les véritables coupables, mais simplement les suspects qui ont payé les pots-de-vin les moins conséquents. Cette opinion est certainement très exagérée, mais on ne peut que constater que la majorité des habitants de Sunda Mizu Mura ne portent pas une confiance excessive à leurs voisins, ou aux représentants de la loi.

Ainsi, sans être un endroit dangereux au sens premier du terme, Sunda Mizu Mura est une ville ou l’argent, l’alcool et le vice amènent beaucoup de gens à prendre de mauvaises décisions. Et assez souvent, ces mauvaises décisions finissent par entrainer des conséquences fâcheuses, qui ne frappent pas toujours les principaux responsables de cette situation.

Malgré tout, les Yasuki sont avant toute chose des hommes d’affaires. De bons hommes d’affaires. Ils veillent donc à garder la situation sous contrôle, afin qu’elle ne leur échappe pas. Si certains la voient comme une
cité de péquenots mal dégrossis, de vicieux tordus, ou de criminels qui ne prennent même pas la peine de se cacher, les Yasuki considèrent leur ville comme étant avant tout une cité où l’argent circule à flots. Un dicton
populaire dit que dans les autres villes, le gouverneur est content tant que les rues sont propres et que les gens s’inclinent à son passage. À Sunda Mizu Mura, les membres du Conseil sont contents tant que les rues sont peuplées de commerces dont ils peuvent récupérer une partie des bénéfices. Et de gens qui contribuent à leur richesse même si personne n’est au courant…